Le Karachigate: où en est l'enquête?

Publié le par Gérard

Nicolas Sarkozy avec des familles de victimes de l'attentat de Karachi, en mars 2008.

 

JUSTICE - Les familles veulent entendre Nicolas Sarkozy comme témoin et Charles Millon confirme les rétrocommissions...

A chaque jour son lot de révélations autour de l’affaire Karachi. 20minutes.fr fait le point sur l’enquête, l’affaire et les personnes impliquées...

 

L’affaire Karachi, c’est quoi?
Ce sont les suites judiciaires d’un attentat, en 2002, au Pakistan, où 12 personnes dont 11 Français ont été tués. Dans un premier temps, un acte terroriste avait été évoqué par la justice française. Mais par la suite, le juge antiterroriste Marc Trévidic a privilégié la piste de représailles pakistanaises. En cause, la décision, en 1995, de Jacques Chirac d’arrêter le versement de commissions liées à un contrat de vente de sous-marins au Pakistan.

 

Quelles sont ces commissions?
En 1992, alors que la DCN veut vendre des sous-marins au Pakistan, elle charge une société qui exporte du matériel militaire de se servir de ses contacts pour décrocher le contrat. En 1994, le marché est remporté par la DCN. En contrepartie, Sofma obtient 6% de commission sur le contrat, soit 388 millions d’euros. Une pratique légale à l’époque. Deux autres négociateurs, imposés par le cabinet du ministre de la Défense (François Léotard), participent aussi aux négociations et touchent 4% du marché.

 

C’est quoi des rétrocommissions?
Il s’agit d’un retour frauduleux d’une partie de l’argent en France. Concrètement: d'après Libération, les commissions ont servi à arroser de nombreux fonctionnaires, politiques et militaires pakistanais, une manière de les remercier d'avoir attribué le marché à la France.

 

Quels sont les derniers développements?
Mercredi, selon des fuites dans la presse, l’existence de rétrocommissions aurait été confirmée. L'ancien ministre de la Défense Charles Millon (1995-1997) a déclaré sur procès-verbal que Jacques Chirac avait ordonné après son élection en 1995 l'arrêt du paiement de commissions pseudo-commerciales au Pakistan en marge de la vente de ces sous-marins, dit-on de source proche du dossier. «Charles Millon a déclaré au juge que cette décision avait été prise en raison de l'existence de rétro-commissions», dit cette source qui a eu accès au procès-verbal de l'audition par le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke.

 

Par ailleurs, un autre témoin auditionné par le juge Renaud Van Ruymbeke, Gérard Menayas, ancien dirigeant de la DCN, a confirmé que les commissions passaient par le Luxembourg, où deux sociétés, Heine et Eurolux, avaient été créées à cet effet. Ce témoin, selon la même source proche du dossier, confirme d'autres éléments du dossier judiciaire, notamment un rapport de la police luxembourgeoise, selon lesquels Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget (1993-1995) et porte-parole de la campagne Balladur, avait organisé ce transit au Luxembourg.

 

Que demandent les familles des victimes?
Elle ont réclamé ce jeudi, lors d’une conférence de presse, l’audition comme témoins de Nicolas Sarkozy, de Jacques Chirac et de l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin. Lors de la conférence de presse, une des porte-parole des familles des victimes, Sandrine Leclerc, s’est adressée directement à Nicolas Sarkozy. «Après nous avoir abandonnés, vous nous avez oubliés, vous nous devez maintenant des explications», a-t-elle déclaré.

 

Pourquoi le nom de Nicolas Sarkozy apparaît-il?
L’actuel Président était ministre du Budget d'Edouard Balladur en 1995, mais aussi son directeur de campagne pour la présidentielle. Or, Premier ministre à l’époque, Edouard Balladur aurait, selon Libération, touché 10 millions de francs pour le financement de sa campagne, d’origine douteuse. L'avocat des familles de victimes de l'attentat de Karachi, Me Olivier Morice, a estimé mercredi sur i-Télé que Nicolas Sarkozy était «au coeur d’un système de corruption».

 

Nicolas Sarkozy peut-il vraiment être entendu?
Selon la Constitution, toute mise en examen ou audition du chef de l'Etat comme témoin dans une procédure pénale est impossible à partir du moment où les faits examinés dans le dossier sont susceptibles de le mettre en cause. Or, Nicolas Sarkozy, qui conteste toute implication dans une affaire de corruption a parlé publiquement de «fable» concernant le lien supposé entre l'argent et l'attentat.

 

Une déclaration sur laquelle s’appuie désormais la stratégie des familles. Leur avocat Olivier Morice a expliqué jeudi matin, lors de la conférence de presse: «Nous sollicitons l’audition de Nicolas Sarkozy. Il est protégé par son immunité présidentielle, certes. Mais il peut être entendu en tant que témoin. Il a toujours dit que c’était une «fable». Si c’est ça, il peut tout à fait venir expliquer que ce n’est qu’une «fable» devant les juges. Il ne sera pas inquiété».

 

Pourquoi Jacques Chirac et Dominique de Villepin sont-ils également cités?
«L'ancien président Chirac et Dominique de Villepin, qui ont mis fin à un dispositif qu'ils avaient eux-mêmes considéré comme illégal, doivent communiquer à la justice les éléments dont ils disposent», a expliqué Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, dans un communiqué.

 

Tous les documents sont-ils à disposition de la justice?
Non. Selon l’avocat des familles, «On découvre chaque jour de nouveaux documents. C’est bien la preuve que tout n’a pas encore été déclassifié, notamment les rapports des services secrets que Millon dit avoir sollicité dans son audition devant Van Rumbeke». Par ailleurs, Michel Debré, le président du Conseil constitutionnel, a refusé de transmettre au juge van Ruymbeke les délibérations sur les comptes de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995. Il a expliqué dans un courrier que ces délibérations sont couvertes par le secret pendant 25 ans, aux termes d'une loi organique de 2008.

 

Le président du Modem François Bayrou a demandé de son côté sur France 2 la levée du secret-défense, déjà en partie obtenue par le juge enquêtant sur l'attentat Marc Trévidic. «Ce ne peut plus durer comme ça, il faut débarrasser la vie politique française de ce soupçon, il faut lever le secret-défense», a-t-il dit.

Oriane Raffin avec V.V.

Publié dans UMP FRONT NATIONAL

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