Rigueur: le plan Fillon à l'épreuve du Parlement

L'Assemblée nationale, en mars 2009. (AFP Joel Saget)

Les députés examinent ce mardi en séance cinq mesures qui visent à récupérer, dès cette année, un milliard d'euros, pour réduire le déficit public. Jeudi, ce sera au tour des sénateurs. Les parlementaires comptent bien repatouiller la loi de finances rectificative. «Rien n'est tabou et rien n'est abandonné», a dit François Fillon en clôture du Campus UMP à Marseille, ce weekend. «Le gouvernement est ouvert aux critiques et aux amendements à condition qu'ils ne mettent en cause ni le volume des efforts, ni leur équilibre», a-t-il toutefois prévenu.

Passage en revue de ce qui devrait passer et de ce qui pourrait changer.

Hausse de la TVA sur les parcs à thèmes

La mesure est mort-née. Le gouvernement entendait mettre fin au régime fiscal favorable dont bénéficient les parcs à thèmes (Disneyland, Parc Astérix, mais aussi les zoos, etc.) en faisant passer le taux de TVA sur les billets d'entrée de 5,5% à 19,6%. Sauf qu'il n'y a strictement personne au Parlement pour défendre la mesure. A l'unanimité, la commission des Finances de l'Assemblée a adopté mercredi un amendement demandant sa suppression. Monté au créneau, Jean-Pierre Raffarin, sénateur de la Vienne (le département du Futuroscope), raconte avoir eu un bel accrochage avec Nicolas Sarkozy à ce sujet. L'eurodéputé Philippe de Villiers, également fondateur du Puy-du-Fou, s'est dit «révolté», critiquant «une mesure qui risque de briser une dynamique d'investissement remarquable».

A gauche non plus, ça ne passe pas. «Nous voterons contre», a annoncé le sénateur socialiste François Rebsamen au nom de son groupe. De leur côté, les députés communistes ont déposé un amendement demandant la suppression du dispositif. «Alors que près d'un Français sur deux ne part pas en vacances, cette décision ne fera qu'accentuer le phénomène et priver de nombreux bambins de toute activité pendant les vacances scolaires», écrivent-ils.

La mesure était censée rapporter 90 millions d'euros sur un an. Pour compenser, les parlementaires de droite se dirigent vers la création d'une taxe de 2% sur les nuitées, dans tous les hôtels quatre étoiles et plus.

Selon Philippe Marini, rapporteur UMP de la commission des Finances au Sénat, la mesure, «de nature assez symbolique» ne rapporterait que 20 millions en 2012. S'y ajoutera, d'après le sénateur, probable taxation de l'achat de propriétés par des capitaux étrangers. Il s'agit d'«une mesure permettant de soumettre aux droits d'enregistrement les achats de propriétés par les Sociétés civiles immobilières détenues par les capitaux étrangers», a-t-il indiqué à l'AFP.

Suppression de l'abattement sur les plus-values immobilières

Lorsqu'un particulier vend un bien immobilier, sa plus-value est taxée d'environ un tiers. Mais s'il le vend après cinq ans de détention, il bénéficie d'une réduction de la taxe sur cette plus-value. Cet abattement augmente de 10% par an. Ainsi, au bout de 10 ans, la plus-value n'est plus taxée qu'à la moitié du taux initial, et au bout de 15 ans, elle n'est plus taxée du tout. Le gouvernement souhaite supprimer cette réduc, sauf dans le cas de la résidence principale. Il espérait en tirer 180 millions d'euros dès 2011, 2,2 milliards en 2012.

Mais des députés de la majorité souhaitent maintenir un abattement. Il serait en revanche abaissé et il faudrait ainsi 30 ans, pour parvenir à une exonération totale. Le gouvernement a fini par céder. Par ailleurs, l'application de la mesure, initialement prévue pour concerner toutes les promesses de vente à partir du 25 août 2011, est repoussée au 1er février 2012. Au final, selon les chiffres du patron des députés UMP Christian Jacob, cela rapporterait 2 milliards de recettes à l'Etat.

Augmentation de la taxe sur les conventions d'assurance «solidaires et responsables»

Ces «contrats solidaires et responsables» ont été créées pour encourager les Français à respecter le parcours de soins coordonné préconisé par l'Assurance maladie. Ils ont d'abord été proposés par les mutuelles, puis progressivement par les assurances privées. Ils représentent aujourd'hui 90% des contrats proposés par les complémentaires santé. Ce qui justifie, pour le gouvernement, de les aligner sur le dispositif de droit commun: une taxation à 7%. Jusque-là, les conventions «solidaires et responsables» étaient prélevées à hauteur de 3,5%. Elles étaient même totalement exonérées d'impôt jusqu'à l'an dernier. Le gouvernement attend de cette mesure 100 millions d'euros cette année, 1,1 milliard l'an prochain.

La Mutualité française, qui regroupe la quasi-totalité des mutuelles de santé, mène campagne auprès des parlementaires et dans l'opinion contre un projet qualifié d'«injustice sociale». «Depuis 2009, ce sont 10,5 points de taxations supplémentaires qui auront été imposées aux mutuelles», argumente le président de cette fédération, Etienne Caniard. Qui avertit aussi que cette taxation sera mécaniquement répercutée auprès des usagers.

Seule la gauche s'est émue de cette hausse. Les groupess socialiste et communiste ont déposé des amendements demandant la suppression de la mesure.

Et le reste...

Les deux autres mesures ajoutées à la lettre de finances rectificative ne font pas polémique. La première consiste en un relèvement de 1,2% des prélèvements sociaux sur les revenus du capital (de 12,3 à 13,5%). Gain attendu: 200 millions d'euros en 2011, 1,3 milliard en 2012.

Quant à la seconde, il s'agit d'une harmonisation du report des déficits en matière d'impôts sur les sociétés avec les règles en vigueur en Allemagne. En clair: les entreprises françaises qui font des déficits fiscaux peuvent reporter ces pertes jusqu'à trois ans en arrière ou même sans limitation de durée, en avant. Ce qui permet à certaines entreprises (des grands groupes plus que des PME) à ne pas payer d'impôt sur les sociétés alors même qu'elles sont bénéficiaires. Le dispositif sera aligné sur celui en vigueur en Allemagne, plus restrictif. C'est comptablement la mesure qui a le plus de répercussion, pour cette année: le gouvernement en attend 500 millions d'euros.

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