Laurent Berger : «Un sommet social qui arrive bien tard»

Publié le par Gérard

TCHATNicolas Sarkozy réunira demain patronat et syndicats à l'Elysée pour un sommet social. Laurent Berger secrétaire national CFDT en charge de l'emploi, a répondu à vos questions.

 

Laurent Berger, le 17 juin 2009 à Paris. (Photo Patrick Kovarik. AFP)

 

Paco. Quel est l'objectif déclaré de ce sommet social ?
Laurent Berger. C'est un sommet que la CFDT avait réclamé fin août pour une question d'urgence, liée à l'augmentation du chômage. Il arrive bien tard, en janvier, mais en même temps il n'est jamais trop tard pour agir sur l'urgence, à condition que l'on soit bien sur les questions d'urgence. L'urgence, pour nous, c'est le soutien aux chômeurs et aux salariés menacés de perdre leur emploi.

Thou. N'est-ce pas juste un «sommet» de communication pour essayer de faire passer la pilule des cinq ans passés ratés ?
L. B. La question pourrait se poser puisque l'on ne sait pas encore ce qui va en ressortir. Mais, cela dit, ce ne sera pas un sommet raté si on reste sur des mesures de chômage partiel, de soutien en direction des jeunes, d'aides aux salariés en fin de CDD et d'intérim, et des moyens renforcés pour Pôle emploi.

Patrice35. Pourquoi le président Nicolas Sarkozy ne dialogue-t-il plus avec les syndicats ? Qu'en est-il de la logique du «les partenaires sociaux trouvent des accords qui sont ensuite traduits dans la loi», est-elle abandonnée pour la fin de mandat ?
L. B. Il y a eu plusieurs périodes dans ce quinquennat. Une première période où, sur la représentativité, sur le marché du travail, les partenaires sociaux ont eu de l'espace pour négocier. Et une deuxième période, plus longue, où le gouvernement a choisi de ne pas pratiquer la voix du dialogue, comme sur les retraites.

Vieuxfuté. La TVA sociale, un mauvais coup pour la sécu ? Qu'en pensez-vous ?
L. B.  La TVA sociale, telle qu'elle est présentée aujourd'hui par le gouvernement, est une vision par le petit bout de la lorgnette du financement de la protection sociale. Ce financement peut être interrogé, mais la CFDT est contre la TVA sociale, parce que cela fait reposer un allègement du coût du travail sur les salariés, qui le paieront par une augmentation de la TVA. La CFDT préfère un financement de la protection sociale qui repose pour partie sur la CSG. L'augmentation de la TVA est un nouveau plan de rigueur qui touche principalement les salariés, alors qu'une augmentation de la CSG permettrait de financer la protection sociale sur tous les revenus, y compris les revenus financiers, les revenus du capital et les revenus du patrimoine.

Benêt. Au-dela de la posture classique de l'indignation ou du déni, comment peut-on expliquer que l'on estime de moins en moins absurde d'être sympathisant FN et syndicaliste ?
L. B. Pour la CFDT, on ne peut pas être syndicaliste et sympathisant FN. Les valeurs du syndicalisme, et de la CFDT en particulier, sont des valeurs incompatibles avec celles du Front national, qui prône la préférence nationale. Mais le meilleur moyen de convaincre les salariés de l'impasse du vote FN, c'est de répondre à leurs problèmes concrets : salaires, emploi, conditions de travail.

Patrice35. Quelles convergences avez-vous avec les autres centrales syndicales sur les thèmes d'actualité ?
L. B. Sur la TVA sociale, il semble qu'il y ait une opposition de toutes les organisations syndiales ou presque. Les organisations syndicales ont aussi signé des accords sur les jeunes ou le chômage partiel pour les licenciés économiques. Aujourd'hui, c'est à l'Etat d'abonder ces mesures financièrement.

Benêt. Le monde agricole est fédéré à 80% autour de deux modèles convergents : le monde coopératif et un syndicat puissant. Pourquoi, selon vous, les syndicats francais «généralistes» n'incitent-ils pas leurs adhérents à devenir leurs propres actionnaires dans des Scop ouvrières ?
L. B. La CFDT est favorable au modèle des Scop. Mais, pour cela, il faut qu'elles soient viables.

2714. Il y a beaucoup de discours et de publicité pour favoriser la formation des demandeurs d'emploi. Dans les faits, s'orienter vers une formation qui aboutit à un emploi, c'est souvent le parcours du combattant...
L. B. Sur la formation des demandeurs d'emploi, il n'y a pas assez d'efforts effectués. Ces efforts doivent porter sur la simplification du recours à la formation, mais aussi sur un financement plus important. Il y a un organisme qui finance la formation des demandeurs d'emploi, mais l'Etat a décidé de ponctionner ces financements. On ne peut pas demander plus de formations et, d'un autre côté, ponctionner le fonds qui permet de le faire.

Patrice35. Quels moyens la CFDT met-elle en place pour combattre la crise?
L. B. Sur le chômage partiel, la France est en retard, parce que le mécanisme est trop compliqué, notamment pour les PME. Il faut donc le simplifier, et surtout il faut aider à la formation pendant ces périodes de chômage partiel.

LaGinteste. Très sincèrement, pensez-vous que la CFDT est qualifiée pour parler au nom des salariés, alors que depuis 2002, accélération depuis 2007, vous n'avez cessé de nous servir un syndicalisme tiède où les salariés ont pris beaucoup de coups et pratiquement rien reçu en retour?
L. B. Depuis 2002 et 2007, la CFDT a obtenu des avancées pour les salariés que ce soit dans les entreprises, ou au niveau national. D'ailleurs, les salariés font confiance à la CFDT, les élections professionnelles le prouvent.

Thou. Quelle est la position de la CFDT concernant l'avenir du nucléaire ?
L. B. La CFDT est pour une réduction de la part du nucléaire dans la production de l'électricité. Après, il faut fixer les objectifs et la durée de cette baisse.

Simger75. Les seniors ayant validés 40 trimestres et étant au chômage ne devraient-ils pas être dispensés de recherche d'emploi ?
L. B. Pour ceux qui ont validé le nombre de trimestres nécessaires pour être en retraite, la CFDT réclame qu'ils puissent bénéficier tout de suite de la retraite. Au sommet social, la CFDT va réclamer la remise en place de l'allocation équivalent retraite qui permet aux salariés ayant cotisés le nombre suffisant de trimestres de bénéficier d'une allocation en attendant la retraite.

Bubdule. Par qui les victimes des crises sociales (chômeurs en fin de droit, SDF, surendettés, jeunes sans revenus, femmes seules au foyer... ) seront-ils représentés ?
L. B. Au sommet social, seules les organisations syndicales et patronales seront présentes, mais la CFDT n'oublie pas les personnes les plus en difficulté. Nous réclamons une augmentation des minima sociaux: RSA et autres...

SGT 24. Pourquoi ne pas avoir réglé les divergences en interne entre membres de la CFDT chez SeaFrance ?
L. B. A SeaFrance, les représentants de la CFDT n'ont pas, à nos yeux, défendu les salariés, parce qu'ils n'ont pas défendu leurs emplois. De plus, il y a de forts soupçons de pratiques délictueuses qui font que la CFDT va demander leur radiation du syndicat.

SGT 24. J'espère que l'on ne va pas servir de caution à Sarkozy en acceptant d'avaler des couleuvres lors du sommet dit «social» : qu'en pensez-vous ?
L. B. Lors de ce sommet social, la CFDT veut des mesures d'urgence sur l'emploi et ne sera pas instrumentalisée sur le débat pré-électoral. Nous ferons très attention à cela. Nous ne voulons pas aller sur un débat restrictif sur la TVA sociale ou sur les accords de compétitivité.

LaGinteste. Ne pensez-vous pas qu'un tel sommet aurait dû être refusé par l'ensemble des syndicats, car il intervient à trois mois de l'élection présidentielle, à laquelle le «sorti» n'est pas encore candidat mais déjà en campagne. Ne pensez-vous pas que vous allez lui servir de caution ?
L. B.  Non, parce que, vu l'urgence du chômage, il faut essayer de sortir au maximum des solutions concrètes, pour les jeunes notamment. Le rôle d'un syndicaliste, c'est de se battre jusqu'au bout pour obtenir des résultats.

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