Aphatie dézingue Zemmour: RTL et les médias au bord du gouffre?.

Publié le par Gérard

Ce qui est en train de devenir ce qu'il faut bien appeler l'affaire Zemmour est le triste révélateur des travers du petit monde politico médiatique.

 

A la fin de l'année 2008, après son célèbre « Vous êtes de race noire, je suis de race blanche » lancée à Rokhaya Diallo dans un débat sur Arte, je m'étais, sur ce même blog, interrogé. Le Système allait-il sanctionner Zemmour? Par une étrange aberration propre au débat public à la française, cette question avait été transformée par la vox populi en « demande de sanction contre Zemmour ». Sachant par expérience que l'on ne peut rien contre ce genre de dérive, j'avais laissé dire, quand bien même il est contrariant de voir un propos écrit repris à tort et à travers de façon falsifiée.

 

Cela dit, il ne s'était rien passé. Zemmour avait pu continuer à s'épanouir, jusqu'à se voir offrir par le nouveau patron de RTL, Christopher Baldelli, une tribune quotidienne sur la première radio de France.

Aujourd'hui, pour la sortie sur « la plupart des trafiquants sont noirs ou arabes, c'est un fait », Zemmour est menacé de procès de toutes sortes et France 2, par le biais d'une lettre de Patrice Duhamel, numéro 2 du groupe, a entamé l'opération, arguant en substance: C'est pas nous, c'est la productrice de Ruquier, donc Catherine Barma qui doit réagir à la présence de Zemmour dans «On n'est pas couchés », nous on veut pas être mêlés à tout ça, nous, on est purs ». Patrice Duhamel a choisi de se situer entre Ponce Pilate et Tartuffe, ce qui est le reflet d'un courage et d'une honnêteté intellectuelle qu'il convient de saluer comme il convient.

 

Cette situation appelle quelques réflexions.

 

1/ Encore une fois, rappelons que les propos de Zemmour ne tombent pas sous le coup de la loi, et de la jurisprudence qui prévaut en la matière. C'est comme ça. On a beau les lire et les relire, on n'y trouve pas trace de la moindre incitation à la haine raciale. En France, on peut tenir des propos choquants, blessants, stupides, affligeants, faux, offensants sans risquer de condamnation. C'est ainsi, et pour ma part, je trouve cela très bien. J'ignore qui sont les conseils juridiques de ceux qui veulent traîner Eric Zemmmour devant un Tribunal correctionnel, mais je sais déjà qu'ils sont aussi nuls que ceux qui n'ont pas dissuadé les diverses organisations (seraient-ce les mêmes?) qui avaient décidé de traîner Siné devant la justice pour ses écrits relatifs au mariage de Jean Sarkozy. Je prends tous les paris que le résultat sera le même. Et si Zemmour sort d'un Tribunal correctionnel vierge comme l'enfant qui vient de naître, ses détracteurs auront l'air qu'ils méritent.

Mieux encore, au chapitre "Je mélange tout et je dis n'importe quoi au mépris de la séparation des pouvoirs tout en me réclamant de la république", on notera la proposition du président du CRAN qui demande au CSA et au président de France télévisions de prononcer un "rappel à la loi" à l'encontre de Zemmour (pour des propos tenus sur France Ô relatifs à la discrimination). Nous sommes tous heureux d'apprendre que le CSA et le président de France télévisions ont été érigées au rang de tribunaux d'exceptions par le président du CRAN, prise de position qui nous permet de constater que le dit président du CRAN n'a rien compris au principe de la séparation des pouvoirs et aux garanties judiciaires qui entourent la liberté d'expression. Cela fait peur.

Enfin, on s'interrogera sur la pertinence calendaire des réactions. Les propos sur les "races" sont d'une nature plus problématiques que les propos sur les "trafiquants". Or, ce sont les derniers qui déclenchent le raz-de-marée protestato-judiciaire. Etonnant et absurde. Incohérent et incroyable.

 

2/ Zemmour représente un réel courant de pensée. On peut estimer (c'est mon cas), qu'il se trompe sur tout et partout, que sa conception du legs de 1789 est hémiplégique, que sa vision de la France impériale est anachronique, que son logiciel social est digne de Napoléon III, et qu'il fait du Maurras relooké en provocation anti-politiquement correct. MAIS, comme le disait Mendès-France, « en démocratie, il faut d'abord convaincre »; convaincre, c'est à dire argumenter et débattre. De ce point de vue, hommage à Frédéric Bonnaud d'Europe 1, qui a su récemment coincer Zemmour, dans l'émission de Guillaume Durand sur la 2, quant à la fiabilité de ses sources sur le caractère noir ou arabe de la plupart des trafiquants. Un grand moment. Bien plus efficace qu'un procès en sorcellerie foireux devant un tribunal correctionnel. (Voir ici, échange à compter de la 27e minute).

 

3/ Reste l'usage qui est aujourd'hui fait de Zemmour par les professionnels des médias, notamment audiovisuels, et qui se complaisent à l'inviter sur leurs plateaux. Zemmour est désormais réduit (mais en est-il conscient?) à jouer le rôle du réac de service de la télé. Il est un personnage « clivant », comme on dit dans le métier. Il importe donc, compte tenu de son positionnement « politique », d'en user dans un contexte équilibré.

Sur la deux (On n'est pas couchés) ou sur I télévision (Ça se dispute), Zemmour s'exprime dans un cadre contradictoire. Le résultat dépend de la qualité de ses contradicteurs, mais le principe d'équité démocratique est respecté.

En revanche, à RTL, cet équilibre n'existe pas. Zemmour dispose d'un éditorial sans contrepoint, ce qui engage la station qui l'emploie. Il est même étonnant qu'un responsable de haut niveau tel que le nouveau patron de RTL, Christopher Baldelli, ait pu commettre une bourde éditoriale aussi incroyable, car de nombreux auditeurs sont déjà lassés des provocations à sens unique de Zemmour. Il se peut aussi que ce choix de confier un édito à Zemmour ait été parfaitement réfléchi. Si c'était le cas, cela voudrait dire que le chef suprême de la première radio de France aurait décidé de positionner politiquement son antenne sur le créneau de la droite autoritaire, anti-féministe, néo-maurassienne et partisane d'une France blanche et chrétienne. Dans tous les cas, incompétence ou choix délibéré, cela n'est pas sans conséquence.

Dans ce contexte, le dernier billet de Jean-Michel Aphatie sur son blog ne manque pas de susciter bien des interrogations. JMA y dézingue Zemmour (sans jamais citer son nom) sans appel. Et le lecteur de se demander si l'habile JMA n'a pas trouvé le moyen de faire savoir à son nouveau patron ce qu'il pense de la brillante idée qui a consisté à installer Zemmour « éditorialiste en majesté » au risque de déporter RTL vers la droite réac et d'y perdre des bien auditeurs. Il serait utile, qu'un jour, la question des choix éditoriaux de Christopher Baldelli au travers d'Eric Zemmour lui soit posé.

 

Le bilan est accablant: un éditorialiste victime de lui-même, des détracteurs à contre-temps, des procureurs incompétents, un patron de télé tartuffe, un patron de radio apprenti-sorcier... Cette affaire révèle bel et bien que le petit monde des médias français est à côté de ses pompes.

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