Le triomphe annoncé de Ségolène Royal

Publié le par Gérard STEPHAN

Le triomphe annoncé de Ségolène Royal

Louis-Bernard Robitaille

La Presse

Collaboration spéciale

Paris

Sauf coup de théâtre, une première historique devrait avoir lieu jeudi prochain en France : la désignation d'une femme comme candidate du Parti socialiste à l'élection présidentielle (à deux tours) d'avril-mai prochains. C'est-à-dire la candidate qui se retrouvera presque automatiquement au tour décisif du 6 mai contre le champion de la droite.

Ségolène Royal n'est pas seulement une femme. En plus, elle n'a que 53 ans, dans un pays où il est normal d'avoir 65 ans pour être un candidat crédible. Originalité supplémentaire, « Ségolène » n'a pas du tout le profil du politicien professionnel qui aurait bâti sa carrière dans l'appareil du parti : même si elle a dirigé trois (petits) ministères en 1992-1993 puis de 1997 à 2002, elle reste une quasi-marginale de la politique.

L'ex-ministre Ségolène Royal, candidate
à l'investiture du Parti socialiste en vue de l'élection présidentielle, est entourée de photographes, vendredi dernier, à Lille.
Photo AP


Comme aucun sondage ne peut être réalisé directement auprès des 218 000 adhérents qui voteront dans quelque 4000 sections du PS transformées en bureaux de vote, une grande surprise reste théoriquement possible. C'est-à-dire le fait que la présidente de la région Poitou-Charentes rate de peu la barre des 50 % face à ses deux concurrents, l'ancien premier ministre Laurent Fabius et l'ancien ministre de l'Économie Dominique Strauss-Kahn. Auquel cas il y aurait un deuxième tour de scrutin le 23 novembre pour départager les deux candidats arrivés en tête. Avec le risque d'un affrontement brutal qui laisserait des traces dans le parti.

Pour l'instant, les observateurs continuent de privilégier l'hypothèse d'une victoire de Mme Royal dès le premier tour. Peut-être parce qu'elle ne s'est jamais directement mêlée des guerres d'appareil et de courants au parti, elle a réussi depuis près d'un an à rassembler derrière elle la vaste majorité des responsables et des élus locaux en province : les dirigeants des plus grandes fédérations départementales de plus de 10 000 adhérents, les maires de Lyon, Nantes, La Rochelle. Même les « jeunes loups » du PS, les moins de 50 ans, sont majoritairement pour elle.


À première vue, il ne lui manque guère que les « éléphants » les plus proches de Laurent Fabius et de l'ancien premier ministre Lionel Jospin : d'anciens ministres qui ont fait carrière sous Mitterrand dans les années 80, et la garde rapprochée de Jospin comme Bertrand Delanoë, le maire de Paris, ou Martine Aubry, la mairesse de Lille. Ajoutons ce qui reste du courant de Michel Rocard et qui s'est clairement rallié à Dominique Strauss-Kahn. Et en prime, les sondages réalisés auprès de Français qui se déclarent eux-mêmes « sympathisants du PS » : selon le dernier en date, publié hier par le Journal du dimanche, « Ségo » aurait reculé de 63 à 58% au cours des trois dernières semaines, DSK progressé de 26 à 32%, et Fabius... de 7 à 9%.

Bien sûr, il y a une bonne part d'inconnu : les sympathisants, qui plébiscitent Royal, représentent-ils fidèlement les adhérents? Est-il possible que Laurent Fabius soit aussi bas, lui qui disposait de 20% des voix au dernier congrès du Mans et qui a décidé de jouer à fond la carte de l'orthodoxie socialiste à l'intention des militants purs et durs? Au-delà du charme de la nouveauté et du parler-vrai qui joue en faveur de la candidate depuis plus d'un an, il y a, tout bêtement, la volonté de gagner qui attire les adhérents, radicaux ou modérés, dans son camp.

Un vote d'orientation dans un congrès et un scrutin pour désigner un candidat à six mois de la présidentielle ne sont pas la même chose : « Il est clair, me disait une magistrate parisienne proche de DSK, que pour le choix du candidat, les adhérents locaux ne suivent pas forcément les dirigeants de fédération. » Un argument qui donne de l'espoir aux trois candidats en lice mais qui joue plutôt au détriment de DSK et, surtout, de Fabius, qui ont toujours misé sur leurs positions au sein de l'appareil.

Dernier argument en faveur d'un triomphe annoncé de « Ségo » dans la nuit de jeudi à vendredi : la présence, totalement inédite dans l'histoire du PS, de plus de 60 000 nouveaux adhérents, qui ont pris la carte du parti au cours des 12 derniers mois à la faveur d'une campagne d'adhésion à prix réduit. À en juger par les commentaires des lieutenants de Fabius et de DSK sur cette « carte à 10 euros », on les sent plutôt pessimistes sur le vote des « nouveaux », encore moins enclins que les « anciens » à suivre les consignes des chefs de courant. La plupart des observateurs, à vrai dire, en sont convaincus : la très grande majorité de ces 60 000 nouveaux adhérents ont pris leur carte essentiellement pour faire passer Ségolène Royal. Et dans ce cas, sa victoire annoncée de jeudi pourrait être encore plus triomphale que prévu.

Louis-Bernard Robitaille

La Presse

Collaboration spéciale

Paris

Sauf coup de théâtre, une première historique devrait avoir lieu jeudi prochain en France : la désignation d'une femme comme candidate du Parti socialiste à l'élection présidentielle (à deux tours) d'avril-mai prochains. C'est-à-dire la candidate qui se retrouvera presque automatiquement au tour décisif du 6 mai contre le champion de la droite.

Ségolène Royal n'est pas seulement une femme. En plus, elle n'a que 53 ans, dans un pays où il est normal d'avoir 65 ans pour être un candidat crédible. Originalité supplémentaire, « Ségolène » n'a pas du tout le profil du politicien professionnel qui aurait bâti sa carrière dans l'appareil du parti : même si elle a dirigé trois (petits) ministères en 1992-1993 puis de 1997 à 2002, elle reste une quasi-marginale de la politique.

Comme aucun sondage ne peut être réalisé directement auprès des 218 000 adhérents qui voteront dans quelque 4000 sections du PS transformées en bureaux de vote, une grande surprise reste théoriquement possible. C'est-à-dire le fait que la présidente de la région Poitou-Charentes rate de peu la barre des 50 % face à ses deux concurrents, l'ancien premier ministre Laurent Fabius et l'ancien ministre de l'Économie Dominique Strauss-Kahn. Auquel cas il y aurait un deuxième tour de scrutin le 23 novembre pour départager les deux candidats arrivés en tête. Avec le risque d'un affrontement brutal qui laisserait des traces dans le parti.

Pour l'instant, les observateurs continuent de privilégier l'hypothèse d'une victoire de Mme Royal dès le premier tour. Peut-être parce qu'elle ne s'est jamais directement mêlée des guerres d'appareil et de courants au parti, elle a réussi depuis près d'un an à rassembler derrière elle la vaste majorité des responsables et des élus locaux en province : les dirigeants des plus grandes fédérations départementales de plus de 10 000 adhérents, les maires de Lyon, Nantes, La Rochelle. Même les « jeunes loups » du PS, les moins de 50 ans, sont majoritairement pour elle.


À première vue, il ne lui manque guère que les « éléphants » les plus proches de Laurent Fabius et de l'ancien premier ministre Lionel Jospin : d'anciens ministres qui ont fait carrière sous Mitterrand dans les années 80, et la garde rapprochée de Jospin comme Bertrand Delanoë, le maire de Paris, ou Martine Aubry, la mairesse de Lille. Ajoutons ce qui reste du courant de Michel Rocard et qui s'est clairement rallié à Dominique Strauss-Kahn. Et en prime, les sondages réalisés auprès de Français qui se déclarent eux-mêmes « sympathisants du PS » : selon le dernier en date, publié hier par le Journal du dimanche, « Ségo » aurait reculé de 63 à 58% au cours des trois dernières semaines, DSK progressé de 26 à 32%, et Fabius... de 7 à 9%.

Bien sûr, il y a une bonne part d'inconnu : les sympathisants, qui plébiscitent Royal, représentent-ils fidèlement les adhérents? Est-il possible que Laurent Fabius soit aussi bas, lui qui disposait de 20% des voix au dernier congrès du Mans et qui a décidé de jouer à fond la carte de l'orthodoxie socialiste à l'intention des militants purs et durs? Au-delà du charme de la nouveauté et du parler-vrai qui joue en faveur de la candidate depuis plus d'un an, il y a, tout bêtement, la volonté de gagner qui attire les adhérents, radicaux ou modérés, dans son camp.

Un vote d'orientation dans un congrès et un scrutin pour désigner un candidat à six mois de la présidentielle ne sont pas la même chose : « Il est clair, me disait une magistrate parisienne proche de DSK, que pour le choix du candidat, les adhérents locaux ne suivent pas forcément les dirigeants de fédération. » Un argument qui donne de l'espoir aux trois candidats en lice mais qui joue plutôt au détriment de DSK et, surtout, de Fabius, qui ont toujours misé sur leurs positions au sein de l'appareil.

Dernier argument en faveur d'un triomphe annoncé de « Ségo » dans la nuit de jeudi à vendredi : la présence, totalement inédite dans l'histoire du PS, de plus de 60 000 nouveaux adhérents, qui ont pris la carte du parti au cours des 12 derniers mois à la faveur d'une campagne d'adhésion à prix réduit. À en juger par les commentaires des lieutenants de Fabius et de DSK sur cette « carte à 10 euros », on les sent plutôt pessimistes sur le vote des « nouveaux », encore moins enclins que les « anciens » à suivre les consignes des chefs de courant. La plupart des observateurs, à vrai dire, en sont convaincus : la très grande majorité de ces 60 000 nouveaux adhérents ont pris leur carte essentiellement pour faire passer Ségolène Royal. Et dans ce cas, sa victoire annoncée de jeudi pourrait être encore plus triomphale que prévu.

Publié dans Ségolène Royal

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article