Je m'y attendais ! Le Figaro s'attaque à Ségolène .......Ou la GIFLE aux Grands Médias très mal vécue.
Le crédit ascendant de Ségolène Royal dans la compétition présidentielle devrait réjouir tous ceux qui, au-delà des clivages électoraux, déplorent le retard historique de la France en matière de parité.
À la voir ainsi portée par une vague que plus rien ne semble à même de contenir, comment ne pas savoir gré à cette fière frégate de tracer sur la mer toujours recommencée du combat des chefs un sillage enfin différent ? Toujours le même discours, la même rangaine, l'analyse partisane et surtout le mépris de la chose non controlée par ce média qui doit désormais compter avec les téléspectateurs. Une émission de la sorte ne veut se concevoir sur TF1, mes très chers.
Passé la divine surprise, on déchante pourtant. Irrésistible tant qu'elle mène la course en aparté, lors de visites royales sous escorte, professionnelle dans les échanges de plateau avec la presse, la championne socialiste se révèle étrangement inconsistante lorsqu'il lui faut affronter challengers ou militants à coups d'arguments et de propositions. Quel ramassi de mensonges que je lis dans cet article méprisant qui ne vise par hasard que Ségolène.
Contraste intellectuel, d'abord, entre une ambition et un programme. Ségolène Royal est de ceux qui pensent que le mouvement se prouve en marchant et pas en ergotant sur la trajectoire du mobile. Elle pratique une stratégie du fait accompli, du marquage de territoire, où la performance compte davantage que la compétence et la pose que le projet.
C'est donc sans complexe qu'elle assure le service minimum des idées et ânonne des généralités. Ainsi lors de la parade des présidentiables socialistes à Lens, où, très en deçà des professions de foi de ses rivaux, l'idole s'en est tenue à une indigente déclaration, envisageant hardiment de « donner un avenir à la France », de « répondre aux problèmes d'aujourd'hui » et de « tirer la France vers le haut ».
Quiconque s'estime en droit de débiter de telles fadaises marque son mépris du débat et sa prédilection pour les ressources de la communication non verbale. Penchants qui, chez une femme, doivent ravir les adeptes du taceat mulier, enclins à voir une contradiction d'essence entre le logos politique et la féminité.
Nostalgiques de la cité virile, sortants indévissables, mâles dominants en rogne contre la féminisation de la société, tous font déjà des gorges chaudes d'une candidate dont le souci semble être moins de présider la République que de lui prêter ses traits, à l'instar d'autres stars. D'un point de vue féministe, en revanche, cette apothéose de la femme de plâtre est un événement consternant.
Contraste moral, ensuite, entre le personnage de « Ségolène », beau masque à travers lequel résonne la parole, et la personnalité de Mme Royal.
De face, la déesse Raison, la Vierge en majesté, préservée du chaos des appétits, qui transcende les passions hirsutes des prétendants cramponnés à la loi salique depuis le temps des derniers Capétiens.
De profil, la politicienne de carrière, pas du genre « qui sourit et pardonne », la briscarde à l'autoritarisme et au sectarisme notoires, à qui ses manières suaves ont valu en interne les surnoms de « chikungunya » ou de « Zapaterreur ».
Certes, la scène politique obéit depuis toujours aux lois de la dramaturgie, et il faut bien s'y composer un caractère. À ceci près que la démocratie n'est pas n'importe quelle scène politique. Jusque dans les excès de la médiatisation, elle reste un théâtre de l'authenticité : où, comme dans le drame bourgeois, le décor planté, les types représentés, les mots prononcés ressemblent à ceux du public.
Tout spectateur qu'il est devenu, le spectateur démocratique doit pouvoir s'identifier à celui qui le représente, qu'il a commis à cet office et en qui il se reconnaît.
Ce représentant peut se farder pour se montrer à son avantage. Pas se métamorphoser en chimère ou en apparition pour faire rêver. Le mystère n'a pas droit de cité sur la scène démocratique : il vire à la mystification. Et c'est bien un halo de mystification qui flotte autour de Ségolène Royal, casta diva du casting présidentiel. Quelque chose qui rappelle la tresse blonde de Ioulia Timochenko, poupée gigogne de la révolution ukrainienne, et qui n'est pas de bon augure.
Comme un avertissement que le théâtre de l'authenticité fera bientôt relâche et que les femmes, moins engluées que les hommes dans une culture politique caduque, peuvent devenir les reines d'un grand loft démocratique où la vieille scène aura été transformée en podium. Est-ce là ce que veulent ceux et celles qui, sur l'air des Femmes vengées, s'enthousiasment pour « Ségolène » ? N'en finir avec la « démocratie sans les femmes » que pour passer à une postdémocratie de figuration, de masques et de papier glacé ?