1968 - L'affaire Markovic : Pompidou dans la tourmente ..

Publié le par Gérard

Décharge publique d'Elancourt (Yvelines), 1er octobre 1968. Le corps d'un Yougoslave de 31 ans est découvert, enroulé dans une enveloppe de matelas. C'est le début d'une des plus sales affaires de la Ve République. L'homme s'appelle Stefan Markovic. Ancien garde du corps d'Alain Delon, il vit de menus larcins et a eu une brève liaison avec Nathalie Delon, la femme de l'acteur.  

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Dans une lettre envoyée quelques jours avant sa disparition, Markovic prévient: s'il lui arrive «quelque chose», il faut chercher du côté d' «AD» et de «François Marcantoni, corse, un vrai gangster». Alain et Nathalie Delon, ainsi que François Marcantoni, truand notoire, membre du Service d'action civique, sont entendus par la police. Rapidement, l'enquête dévie et s'intéresse aux «soirées chaudes» qu'organisait Stefan Markovic.

 

Une lettre anonyme implique de hauts fonctionnaires et d'anciens membres du gouvernement. Le journal d'extrême droite Minute avance que «l'ami des vedettes négociait très cher des photos compromettantes», notamment celles de «la femme d'un homme politique». Le nom de Claude Pompidou est lancé. La rumeur enfle. Un certain Boris Ackov affirme que Stefan Markovic lui a dit, lors d'une soirée: «Tu as vu la grande femme blonde qui était là? Silence!

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C'est la femme du Premier ministre.» 

Georges Pompidou, qui a démissionné en juillet 1968, passe ses vacances de la Toussaint en famille à Cajarc, loin du tumulte, et ne se doute de rien. Ni René Capitant, garde des Sceaux, ni le Premier ministre de l'époque, Maurice Couve de Murville, chargé par de Gaulle de l'informer, ne l'ont alerté. Au retour de l'ancien chef du gouvernement, l'un de ses ex-collaborateurs lui rend visite: «Il faut que vous sachiez quelque chose que personne n'ose vous dire...» Pompidou, blessé, furieux, prend conscience de la manipulation montée contre lui.

 

Il soupçonne René Capitant, que les déclarations d'Ackov auraient fait mourir de rire, d'avoir incité les juges à poursuivre l'affaire. N'a-t-on pas tenu la main d'Ackov, délinquant yougoslave à demi illettré? Quel a été le rôle des services secrets, suspectés d'avoir joué un rôle actif dans cette affaire? 

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L'ancien Premier ministre s'émeut surtout du mutisme de Charles de Gaulle. «A trop vouloir dîner en ville dans le Tout-Paris, comme aiment le faire les Pompidou, et à y fréquenter trop de monde et de demi-monde, il ne faut pas s'étonner d'y rencontrer tout et n'importe qui», lâche le Général à son fils. A partir de là, la rupture entre les deux hommes est consommée.

 

Las, Pompidou part pour l'Italie - et non pour la Yougoslavie, comme il en avait l'intention - d'où il annonce qu'il sera candidat à l'élection présidentielle «lorsqu'il y en aura une». Et de Gaulle de répliquer: «J'ai le devoir et l'intention de remplir mon mandat jusqu'à son terme.» Peu de temps après, Me Jacques Isorni, avocat de Marcantoni, demande l'audition du couple Pompidou par le juge. L'ancien Premier ministre proteste avec véhémence. Il sera enfin reçu à dîner à l'Elysée, avec sa femme, Claude, le 12 mars.

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Dernière rencontre entre les deux hommes. 

Sur le meurtre de Markovic, personne ne sut le fin mot de l'histoire. Aucun procès n'eut jamais lieu et François Marcantoni bénéficia d'un non-lieu. Les calomnies n'eurent pas d'effet sur la carrière de Georges Pompidou, qui fut élu chef de l'Etat le 15 juin 1969. Mais il garda toute sa vie dans sa poche un petit carnet comprenant les noms des gens qui avaient participé au complot.

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