«L'abstention et l'enracinement du FN devraient inciter le PS à ne pas pavoiser»

Publié le par Gérard

TCHAT

La majorité dégringole, la gauche progresse, et le FN s'incruste... Paul Quinio, directeur adjoint de la rédaction de Libération, a répondu à vos questions.

 

 

Opération de vote le 27 mars 2011 à Toulouse

Opération de vote le 27 mars 2011 à Toulouse (AFP Eric Cabanis)

 

Typiak. Pensez-vous que le manque d'informations à propos des cantonales a joué un rôle prédominant dans l'abstention, ou est-ce simplement un désarroi des Français devant leur système politique?
Paul Quinio. C'est vrai qu'il n'y a pas eu de campagne officielle, même si elles sont généralement ennuyeuses, elles peuvent contribuer à la mobilisation des électeurs. C'est aussi le fait que ces cantonales n'étaient pas organisées en même temps qu'une autre élection, régionale par exemple, qui peut expliquer la faible participation. Mais si le fort taux d'abstention a été lors de ces cantonales très frappant, on sait depuis longtemps maintenant qu'il est difficile de mobiliser l'électorat populaire, le scrutin présidentiel faisant généralement exception.

Fafache. Pourquoi les éditorialistes et les politiques pour le plus grand nombre minimisent le score du FN (en disant 11%, chiffre pris sur la globalité alors que les candidats du FN ne se sont pas présentés dans tous les cantons)? Là où ils étaient, ils ont fait 40% en moyenne…
Je ne sais pas si les éditorialistes minimisent le score du FN, mais ce n'est certainement pas le cas à Libération. Le chiffre de 11% est effectivement difficile à manier, le score du premier tour étant beaucoup plus facile à interpréter. Ce qui est frappant en revanche c'est le pourcentage élevé des candidats FN présents au second tour. Relève-t-il d'un vote d'adhésion aux thèses du FN? Il faut prendre le temps d'analyser dans le détail les reports de vote, prendre le temps d'aller voir sur place la motivation des électeurs.

Wamb. L'UMP, qui a raté son (crash) test d'extrémisation, semble vouloir continuer sur ce chemin, dans la cacophonie (Baroin suggère l'arrêt du débat sur l'islam, Sarkozy le confirme). Jusqu’où iront-ils? Quelles sont les leçons tirées, ou pas, par l'UMP?
C'est une question cruciale pour la majorité au sein de laquelle s'exercent des vents contraires. L'UMP dans l'histoire de la droite est une anomalie, rarement la droite française a été réunie au sein d'une même formation. La question est donc de savoir si le pari fait en 2002, lors de la création de l'UMP, reste valable ou si la droite se recomposera autour des familles qui la structurait jadis.
Est-ce que Jean-Louis Borloo écoutera ses amis qui le poussent vers la candidature en 2012? Est-ce qu'une voix comme celle d'Alain Juppé en désaccord avec la stratégie du président se fera plus entendre après les cantonales? Quelle sera l'attitude des élus locaux qui s'inquièteront de leur réélection? Nous n'avons pas encore les réponses à toutes ces questions, mais les déclarations du jour démontrent la violence du débat qui sévit à droite.

Wamb. A gauche, y a-t-il un nouveau rapport de force? Que s'est-il passé dans les duels PS-EELV (Europe Ecologie-les Verts) et FDG (Front de gauche)-EELV?
Si le parti socialiste sort victorieux du scrutin, la forte abstention et l'enracinement du FN devraient l'inciter à ne pas pavoiser. Par rapport aux alliés, là encore, il faut regarder les résultats du premier tour, plus que le nombre d'élus. De ce point de vue, le PS sait qu'il devra compter avec un vote vert relativement stabilisé. Les cantonales devraient encourager la mutation du PCF, et son intégration dans le Front de gauche.

Super5. Les mois à venir seront-ils à hauts risques pour le PS, avec le projet qui sera sans doute fortement critiqué par la droite et les médias ainsi que les primaires ?
Ils sont effectivement à hauts risques, même si Martine Aubry répète que le parti s'est remis au travail, l'opinion n'en est pas encore complètement convaincu. L'autre piège étant évidemment celui de la primaire qui, si elles sont mal organisées, peuvent se transformer en machine à perdre. Ce n'est pas simplement la question du nombre de candidats, c'est aussi celle de la capacité du parti d'encadrer le processus. Le congrès de Reims et ses soupçons de fraude sont dans toutes les mémoires, si cela devait se reproduire ce serait catastrophique pour le PS.

Vogelle. Peut-on réellement considérer les scores du premier tour comme un avant-goût de la présidentielle? Ou ne sommes-nous pas en train de spéculer bêtement sur des faits imprévisibles à 13 mois d'avril 2012?
Il peut effectivement se passer beaucoup de choses d'ici à la présidentielle, le paysage est loin d'être figé, mais comme le titrions ce matin à la une de Libé, ces cantonales sont un avertissement pour la majorité, mais aussi pour la gauche avec pour elle un défi majeur: redonner à l'électorat populaire et aux classes moyennes l'envie de voter pour elle.

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