Première guerre mondiale : se souvenir

Publié le par Gérard



Le souvenir de la Grande Guerre se raconte désormais sans témoin

Le 11/11/2008 à 09h44 GMT
par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - La France célèbre mardi le 90e anniversaire de la fin de la Guerre 1914-18, avec la mission nouvelle de faire vivre la mémoire de ce conflit atroce sans témoins directs pour la raconter.
Une poignée d'anciens "poilus" vivent encore à travers le monde. Le dernier survivant français, Lazare Ponticelli, est mort en mars dernier à l'âge de 110 ans.
"Le souvenir est fragile quand la mort est passée", déclarait Nicolas Sarkozy lors de l'hommage national qu'il lui rendit alors dans la Cour des Invalides.
"Nul désormais ne racontera plus à ses petits-enfants ou à ses arrières petits-enfants la vie terrible des tranchées, ni les combats de l'Argonne ni ceux du chemin des Dames", ajoutait le président lors d'une cérémonie à la mémoire des 8,5 millions de combattants de la Grande Guerre, qui vit tomber chaque jour quelque 900 soldats français.
Mardi, le chef de l'Etat et le Premier ministre, François Fillon, se rendront à la nécropole de Douaumont, près de Verdun (Meuse), sanglant théâtre de la "der des der". Ils y retrouveront le prince Charles d'Angleterre, son épouse Camilla et le grand-duc Henri du Luxembourg.
Neuf décennies après l'Armistice, une éternité pour les adolescents de 2008, c'est aux jeunes générations que les autorités souhaitent d'abord délivrer un message.
"Les combattants de ces guerres, c'était des gens de leur âge, qui avaient les mêmes aspirations dans la vie de réussir, d'aimer, qui se sont battus et qui pour beaucoup sont morts et ça, ça leur parle", a déclaré à Reuters le secrétaire d'Etat français aux Anciens combattants, Jean-Marie Bockel.
Un message "contre l'oubli, terreau des conflits de demain",
qu'il adresse en particulier aux jeunes issus de l'immigration.
"Les jeunes, et notamment ceux dont les parents ou grands-parents sont nés dans les anciennes colonies, dans les territoires de l'Empire, d'Afrique noire, d'Afrique du Nord, d'Asie, de contrées plus lointaines encore et d'Europe au sens large peuvent se retrouver dans cette Histoire", souligne-t-il.
"PUTAIN DE GUERRE"
"L'idée est de leur dire : 'vous êtes descendants de soldats de toutes origines qui se sont battus et ont contribué à constituer le ciment de la Nation française dans le monde moderne et vous pouvez en être fiers'".
Au-delà des hommages officiels, de nombreux articles, expositions et ouvrages répondent au désir du public français de se souvenir du Premier conflit mondial.
Telles les lettres inédites du poète Louis Krémer, mort au front en 1918, racontant son terrible quotidien : "Une seconde, c'est un siècle. La mort présente à chaque pas, à chaque bruit, à chaque instant. La vie a-t-elle jamais existé ?"
Ce 90e anniversaire est aussi l'occasion d'un nouvel opus du dessinateur de bandes dessinées Jacques Tardi, auteur de plusieurs oeuvres sur la Guerre 1914-18 en collaboration avec l'historien Jean-Pierre Verney. Son titre : "Putain de guerre".
S'il n'a "aucun message à délivrer", Tardi veut d'abord témoigner de "la souffrance humaine."
"Le souvenir de la première Guerre mondiale est flou pour les ados. Les anciens combattants, c'était toujours des vieux, avec des médailles et un béret sur la tête. Moi, je veux montrer que c'était des hommes jeunes embarqués dans les tranchées, dans une boucherie à laquelle ils ne voulaient pas participer", a déclaré à Reuters ce petit-fils de "poilu".
En ce début du XXIe siècle, difficile de dire pendant combien de temps cette mémoire saura rester vivante.
"Avec la disparition du dernier poilu, n'est-ce pas la Grande Guerre elle-même, encore si chargée d'affects au sein de nos sociétés, qui pourrait s'effacer à son tour ?", s'interroge ainsi, dans l'Express, l'historien Stéphane Audoin-Rouzeau.
"Notre présent en décidera", poursuit-il. "Un jour pourtant, sans doute, la Grande Guerre basculera parmi les 'évènements morts'. Ce jour peut-être très éloigné encore ; il peut être aussi très proche."
Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse

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