Affaire Takieddine: le juge établit le rôle de Sarkozy

Publié le par Gérard

C’est un calendrier secret par définition. Mais à en croire les auditions effectuées ces derniers jours au palais de justice de Paris, Nicolas Sarkozy est désormais dans le collimateur du juge Renaud Van Ruymbeke dans l’affaire Takieddine.

 

Les 15 et 18 février derniers, Pierre Mariani, ancien directeur de cabinet du ministre du budget entre 1993 et 1995, et Philippe Braidy, son ancien conseiller technique, ont été entendus longuement sur le rôle de leur ministre dans la signature et la validation du contrat d’armement Mouette-ROH avec l’Arabie Saoudite. Ce contrat de réhabilitation des frégates françaises déjà vendues au royaume faisait partie intégrante des affaires gérées par l’intermédiaire Ziad Takieddine avec les responsables français.

 

Selon une note du 14 décembre 1994, récemment versée à la procédure, le cabinet du ministre du budget Nicolas Sarkozy a donné l’instruction au contrôleur financier de garantir ce marché, malgré l’opposition de sa propre administration. Cette décision de Nicolas Sarkozy a permis le paiement anticipé, en pleine période présidentielle, du réseau Takieddine à hauteur de 210 millions de francs.

 

MM. Balladur et Sarkozy en 1995 
MM. Balladur et Sarkozy en 1995© Reuters

La trace d’un différend entre les fonctionnaires du budget et leur ministre avait été retrouvée par les policiers dans les archives de l’office de ventes d’armes Sofresa, comme Mediapart l’avait révélé. Puis elle avait été confirmée en juillet par une haut fonctionnaire, Patricia Laplaud (lire ici), alors chargée de superviser l’équilibre financier des grands contrats d’armement auxquels l’État accordait sa garantie.

 

À l’époque, plusieurs responsables de l’administration ont ainsi marqué leur surprise devant l’importance des commissions, dits frais commerciaux exceptionnels (FCE), et leur paiement anticipé (qu’on appelle techniquement un “balourd”). Le « balourd de FCE » était, selon Patricia Laplaud, « un facteur de risque financier pour le contrat ». « Il nous fallait un accord écrit de notre ministre que nous avons obtenu », avait-elle révélé. « L’explication que l’on m’a donnée est que les destinataires voulaient avoir leur argent très vite », a-t-elle précisé.

 

Lors de l’audition du conseiller technique Philippe Braidy, le 15 février, le juge Van Ruymbeke a précisé que « les commissions du marché Mouette s’élevaient à 18,4 % ». « Sur un montant total de 610 millions de francs, 210 étaient prévus pour le réseau K (celui de Takieddine – ndlr). Alors que les 400 millions prévus pour les autres bénéficiaires étaient payables au prorata des règlements du client, les 210 millions bénéficiaient d’une accélération considérable. »


L’office d’armement Sofresa s’est engagé « à payer cette somme intégralement en 1995, année de la campagne électorale », signale le magistrat, en rappelant que ces commissions « ont généré d’importants retraits d’espèces à Genève, à compter de leur versement ». Questionné sur cette « précipitation », Philippe Braidy s’est abrité derrière des « instructions de Matignon », en soulignant qu’il ne « connaissait pas les destinataires ».

 

Le 14 décembre 1994, il adresse pourtant une note à son ministre, intitulée « Approbation de la lettre de garantie du contrat ROH ». Cette note, qui rappelle le montant des commissions, mais pas l’avis contraire de l’administration, conclut qu’il est « proposé de donner instruction au contrôleur financier de viser la lettre de garantie et de donner accord à la Direction du budget pour approuver ces opérations ».

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